Des bus gratuits … ou des bus tout court ?

Chaque début d’année, traditionnellement, a lieu une indexation des tarifs des transports publics en Belgique.  Avec, souvent, un lot de nouveautés.  Ainsi par exemple, cette année en Wallonie, les jeunes et les âgés bénéficient de conditions encore plus avantageuses : un abonnement à … 3,3 (trois virgule trois) centimes par jour.

Personne ne se plaindra jamais de payer moins.  Pour autant, est-ce justifié ?  Question pertinente parce que, en tout état de cause, quelqu’un doit payer.

Pour les jeunes, on vise la fidélisation : il est certain que, encouragés par leurs parents, bailleurs de fonds en définitive, certains d’entre eux se réjouiront de l’occasion.  Mais combien d’entre eux, précisément, en profiteront pour économiser les sous nécessaires à l’acquisition de leur première voiture, dès leur tarif préférentiel disparu pour cause de limite d’âge ?  Nous n’avons pas la réponse chiffrée, mais nous avons plus d’une fois entendu évoquer l’aubaine.  Et c’est logique dès lors que les intéressés ne sont pas convaincus par le service offert.

Pour les plus âgés, qui, dans l’ensemble, sont loin d’être les moins bien nantis de la société, la justification des cadeaux tarifaires est moins claire, si ce n’est bien sûr qu’il s’agit d’une frange importante de l’électorat.  Quoi qu’il en soit il serait socialement plus juste de mener une politique basée sur les revenus plutôt que sur l’âge.  Quant à les convaincre de prendre le bus, eux qui ont presque tous une voiture, il faudrait aussi qu’ils en voient passer, des bus, au-delà de celui de 8 heures du matin les jours d’école.

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Car en effet, oui, au niveau du service des transports publics, il y a beaucoup à redire en Belgique, et plus spécialement en Wallonie : sauf à Liège, aucun bus nulle part en soirée (les jeunes apprécient), aucun bus en week-end au sud du sillon Sambre et Meuse (pas question de faire du tourisme dans cette région pourtant prisée en la matière), aucun bus en dehors des navettes scolaires dans de très nombreux villages, … Ce ne sont pas quelques bus express, même s’ils sont bienvenus, qui remédient à l’anémie profonde du service public, au demeurant tellement meilleur dans certains pays qui nous entourent.

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Mais quel rapport avec les tarifs ?

Tout simplement le principe des vases communicants.

L’argent disponible, toujours limité même si le Ministre fait des efforts pour convaincre son gouvernement de lui en donner plus, doit être affecté soit à financer les gratuités et autres réductions tarifaires, soit à financer le service public : faire rouler des bus.

Et là – c’est important – on peut voir qu’il est possible de financer une « mobilité de base » par le surplus de recettes des usagers qui serait issu de tarifs raisonnables (en sus bien sur des subventions existantes, dejà consacrées au secteur).

On entend par mobilité de base, minimum requis en milieu rural, la possibilité de se déplacer (en bus) pour tout trajet domicile-école (bien sûr), mais aussi domicile-travail (sauf horaires atypiques), pour des achats, des démarches, des visites, des loisirs.

Concrètement, il s’agit d’organiser un service de transport public qui relie chaque noyau d’habitat (ville et village) à la ville la plus proche – et si possible les deux villes encadrantes – à des horaires permettant les déplacements domicile-travail non atypiques, les déplacements domicile-école, et l’accès à la ville aller et retour dans la journée et la demi-journée, ainsi que le retour en soirée en fin de semaine.

C’est-à-dire un très grand plus par rapport à la situation actuelle dans la majorité des localités wallonnes.

Bien entendu il en faut plus pour les régions densément peuplées, et a fortiori les villes, mais là le problème est moins aigu.

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Ce qui nous permet de dire que c’est aisément finançable ?

La mobilité de base nécessite 6 passages par jour en semaine (7 le vendredi), 4 le samedi et 3 le dimanche et, par exemple pour une ligne dont le trajet se fait en une heure stationnement compris, l’engagement de 2 véhicules en semaine et 1 le week-end.

On a calculé pour un cas de figure – en l’occurrence la région de l’Entre-Sambre-et-Meuse – que cette norme de service, infiniment plus généreuse que la situation actuelle, peut être assurée avec le même nombre de bus que ceux qui y sont actuellement affectés.  Seule différence à financer : ils parcourent plus de kilomètres ; mais ceci à un coût marginal bien moindre que le coût actuel, sérieusement grevé par de nombreux parcours à vide de et vers le dépôt, encadrant souvent un unique trajet en ligne.

Par ailleurs, un tel service, convaincant non seulement pour les écoliers, mais aussi les travailleurs et toute personne désirant se déplacer pour emplettes, démarches, loisirs ou autre raison – infiniment fois plus nombreux que les premiers -, doperait considérablement le volume de clientèle, ce qui évidemment serait tout bénéfice, au sens premier : rentrées de recettes

Que du positif donc.

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Financer la gratuité de bus inexistants n’apporte pas grand-chose.  Utiliser les ressources disponibles pour assurer plutôt un service public de transport convaincant serait apte à générer un transfert modal en faveur des transports publics, option ô combien plus intéressante.

Il n’y a pas de problème budgétaire ; il s’agit d’un choix politique : à l’autorité incombe la tâche de décider d’un service plutôt que simplement donner de l’argent à des exploitants d’autobus.

Pour cela il faut une vision, avec une autorité organisatrice, qui décide ce que doivent assurer les prestataires / exploitants : normes de service, parcours, horaires, qualité,  …

Pour la vision, les organisations citoyennes actives en la matière peuvent être d’un grand secours.

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