RER de Bruxelles : démystifions les promesses

… quitte à décevoir les espoirs infondés.

Il y a dix ans nous nous posions la question : Bruxelles aura-t-elle un jour un RER ? | Sweet Mobility) Il faut dire que la saga était alors déjà âgée de plus de dix ans : le 10 mars 1998, par exemple, le Ministre bruxellois Hasquin titrait une conférence de presse « Vers un réseau express régional finalisé à l’horizon 2008 ».

Tout le monde le demande.  Personne ne voit rien venir.  On parle maintenant de 2031, mais, comme on va le voir, il n’y a aucune raison d’y croire.

Il y a plus de vingt ans déjà, alors qu’on en parlait beaucoup, la Ministre de la mobilité de l’époque a réuni les responsables, qui en 2002-2003 ont négocié un « accord de coopération RER ».  Celui-ci avait le mérite fondamental de définir concrètement une offre RER : les lignes concernées, les arrêts, les fréquences de desserte, …

Resté lettre morte.  D’autres accords de coopération ont vu le jour ultérieurement, portant sur des infrastructures : des rails, et beaucoup de parkings, c’est-à-dire tout autre chose même si on les a affublé du nom RER.

Il y a une dizaine d’années, quelques Bruxellois, soupçonnant la lasagne institutionnelle comme cause de l’impasse, ont proposé en première phase un REB – Réseau Express Bruxellois, réalisable moyennant quelques investissements minimes.  L’initiative a à l’époque eu quelques attentions politiques.  Un feu de paille pourant.

Lors de la Xème réforme de l’Etat, certains prenant conscience de l’impuissance de la lasagne, ont « créé » la Communauté métropolitaine, censée traiter les problèmes qui dépassent les limites des régions autour de la capitale, parmi lesquelles le RER.  Cette enveloppe est restée vide.

Parallèlement, depuis, sur les lignes 124 vers Nivelles et 161 vers Ottignies, des chantiers d’infrastructure auxquels on accole le logo RER progressent, bon an mal an, avec de nombreuses interruptions.  Et des reprises que les responsables politiques du moment exploitent médiatiquement.  Y accoler le logo RER donne de l’espoir aux usagers quotidiens, qui ainsi supportent mieux les innombrables problèmes que ces travaux leur causent : ralentissements, retards, suppression de tous les trains des weekends entiers, voire plus, …

Dans la foulée, la mise à quatre voies de la ligne vers Denderleeuw s’est faite aussi.

Or, si ces infrastructures sont utiles, elles ne sont nécessaires que pour deux des lignes autour de Bruxelles (Ottignies et Braine l’Alleud).  Pourquoi donc priver de RER durant des dizaines d’années les usagers concernés par les 80 % de lignes où il ne poserait pas de problème ?

Tout simplement parce que cela ne se fait pas tout seul.  Un RER – c’est-à-dire faire rouler des trains pour transporter des gens – doit être décidé, et financé, même si cela coûte beaucoup moins cher que les travaux précités.

Et personne – aucune « autorité organisatrice », aucun exploitant de transport, ne se sent concerné.

Institutionnellement, la législation prévoit que les chemins de fer sont compétence de l’Etat, tandis que le transport local et régional revient aux régions.  Très bien, mais quid donc des chemins de fer locaux ?  Une compétence de l’Etat (chemin de fer) ou (et/ou ?) des régions (régional, local)…  Toujours est-il que ni l’un ni les autres ne s’en préoccupent.

Au niveau des exploitants, même topo, à l’image – logiquement – des institutions qui les chapeautent.

Les travaux, eux, servent en fait de prétexte pour ne pas prendre d’initiative relative à la mise en place d’un RER.

Un jour (enfin) les travaux seront finis.  Quid alors ?

La Communauté métropolitaine n’interviendra pas, puisqu’elle n’existe pas.

La SNCB, qu’on ne soupçonne pas de trop aimer les trains locaux, ne prendra pas d’initiative.  A croire son administratrice déléguée, elle attend une vision de la part de l’Etat.  Il faudrait évidemment une vision concrète, définissant le service de trains à mettre en œuvre, ce qui ne semble pas vraiment venir du côté du Gouvernement fédéral : on a bien entendu parler de trains toutes les demi-heures dans toutes les gares de campagne, mais ça ne fait pas un RER.

Et quand bien même cette vision viendrait, notre Société Nationale, qui s’est vu confier pour dix ans de plus un monopole d’exploitation de l’infrastructure ferroviaire pour les trains du service intérieur, viendra avec la facture, salée comme à son habitude.  Et donc il faudra trouver le budget, déjà plus qu’épuisé par les travaux.

Les autres exploitants ferroviaires potentiels sont exclus du marché, même s’ils sont susceptibles de faire des propositions alléchantes et d’adoucir la facture (les contribuables apprécieront).

Hors éventuellement l’État, il n’y aura pas de moteur possible avant dix ans.

Alors, oui, on attend de ce dernier une initiative réelle, concrète, qui dépasse les effets de manche énonçant de grandes idées loin des préoccupations, telles l’automatisation de la conduite des trains.  Ce n’est pas difficile : il existe un projet concret dans les cartons : le fameux accord RER de 2003 : le Ministre n’a qu’à le sortir de son chapeau.

Sinon, même s’ils ne sont pas plus portés institutionnellement, Anvers, Gand, et peut-être Liège et Charleroi verront sans doute leur RER avant Bruxelles (les deux premiers peut-être portés par les « vervoersgebieden » instituées par la Région flamande).

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