Bruxelles aura-t-elle un jour un RER ?

Bruxelles aura t’elle un jour un RER ?

Tout le monde en parle depuis près de vingt ans.

Personne ne fait rien, sauf des grands travaux d’infrastructure, qui sont souvent justifiés par le RER, mais dont il est tout sauf sûr qu’ils lui seront destinés.

En fait une divergence de fond entre les différents acteurs concernés existe quant à son objet :

  • Pour les régions flamande et wallonne et pour la Sncb le RER doit amener le plus rapidement possible les navetteurs vers le centre de Bruxelles, sans s’arrêter dans les communes périphériques
  • Pour la Région  bruxelloise, qui manque cruellement de transports urbains performants, il doit aussi desservir l’agglomération, sous peine de servir uniquement l’exode urbain

À ceci s’ajoute à la faveur des perspectives d’accroissement de la population bruxelloise un nouveau discours sur la saturation de la jonction Nord – Midi, qui appellerait de nouveaux investissements pharaoniques, prétexte idéal pour remettre à long terme la création d’un RER.

 

Pourtant les problèmes invoqués, exposés par des postulats qui nous sont imposés par des « techniciens » de la sncb, et sont avalisés par les politiques, sont pour l’essentiel faux :

Pour la Jonction Nord – Midi

  • La JNM présente environ 30 % de réserve de capacité
  • Les retards de trains, invoqués pour « démontrer » la saturation, constituent un argument purement fictif, puisque avant il y avait plus de trains et moins de retards[1]
  • La demande qui concerne la JNM ira en diminuant, de par la dispersion des destinations au sein de la RBC (déconcentration de l’emploi) ; il est donc prioritaire de renforcer la desserte ailleurs, notamment vers le quartier européen[2]
  • Le nombre de trains que représente un RER raisonnable (en JNM 12 par heure, dont il faut défalquer les trains L remplacés), ne pose aucun problème d’insertion, puisque le total serait encore inférieur au maximum que la Jonction a connu dans le passé

La Jonction Nord – Midi peut parfaitement accueillir un RER de haut niveau sans préjudice pour la circulation des autres trains

Pour les arrêts

  • Les arrêts supplémentaires demandés par la RBC – typiquement un ou deux sur un trajet de pénétration vers le centre de Bruxelles  – ne péjoreraient que de manière marginale le temps de parcours des trains, réputé être l’inconvénient pour les navetteurs ; la simple utilisation de matériel[3] et d’un mode d’exploitation adaptés à un RER suffirait à compenser cette perte
  • Le postulat lui-même de perte de temps n’est pas pertinent, parce que ces arrêts rapprocheraient les navetteurs de pas mal de leurs destinations[4], réduisant d’autant leur temps de parcours : or c’est le temps de parcours des usagers qui est l’indicateur pertinent pour un service de transport.

Les arrêts demandés par la RBC sont bénéfiques autant aux Flamands et aux Wallons qu’aux Bruxellois, et ne posent aucun problème technique ou d’exploitation.

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Les solutions pour le RER – comme d’ailleurs en tout autre domaine – doivent se fonder sur une maximisation de l’utilité et une minimisation du coût (sens large), en exploitant au mieux les opportunités, et bien sûr en tenant compte des vraies contraintes techniques et financières.

Quelques principes concrets découlent de cette approche :

  • Faire du RER un outil utile à la fois aux navetteurs de la banlieue et au Bruxellois (beaucoup plus nombreux que les premiers)
  • Pour cela utiliser les mêmes lignes, complétées de quelques arrêts qui optimiseraient la desserte, parcourues avec des fréquences acceptables pour le service requis, y compris en ville (intervalles maximum de 15 minutes en journée)
  • Concevoir le RER en complément du système de transport urbain fin[5], une agglomération de la taille de Bruxelles ayant besoin de deux « couches » : une desserte fine et une liaison rapide entre quartiers et centre ville ; le RER met les gares urbaines à une dizaine de minutes des principaux pôles de destination, ce qui présente une utilité indéniable pour les quartiers bruxellois desservis par le train[6].

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La RBC dispose d’un grand potentiel de capacité ferroviaire : en gros quatre axes, totalisant quatorze voies dès finalisation de la jonction WSJ.  Avec un tel potentiel, actuellement très sous utilisé, il est possible de répondre à un énorme accroissement de la demande de déplacements, en créant le maillon manquant : un réseau interquartiers rapide, complétant un réseau urbain fin.  Il n’est donc pas nécessaire de réaliser des investissements complémentaires significatifs, avec ce qu’ils impliquent en termes d’impacts financier, environnemental/urbanistique, et de délais.[7]

Les différents projets RER qui circulent prévoient partout une desserte au quart d’heure en pointe ; il suffit pour faire un RER très performant à l’échelle urbaine (aussi) d’étendre cette fréquence[8] en journée, ce qui par définition ne pose aucun problème de capacité, et d’ajouter les arrêts RBC – qui ne coûteraient rien en termes de temps de parcours des trains, et au contraire feraient gagner du temps aux navetteurs[9]. Parmi les projets sur la table, certains sont sérieux, et pourraient sans problème être optimisés (en particulier – mais pas seulement – pour prendre en compte la zone de l’aéroport).

Il est possible sans investissements importants hors ceux déjà engagés (124, 161, 50, WSJ), et sans délais de mettre en œuvre un RER sur toute l’infrastructure disponible et de le compléter au fur et à mesure de la mise à fruit des chantiers en cours.

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Le problème n’est pas technique, mais politique, avec au départ un problème de mentalité de la part des responsables attitrés – le management du groupe sncb -, légitimé par une propension des responsables publics à avaliser leurs déclarations sans trop d’esprit critique, et de voir trop facilement en les travaux d’infrastructure la réponse[10] à tous les problèmes.

Il n’est un secret pour personne que la sncb n’aime pas le RER, essentiellement parce qu’il s’agit d’un concept nouveau (pour elle), répondant à une problématique que l’entreprise n’appréhende pas : la desserte urbaine et périurbaine.  En fait, à défaut de renouveler ses cadres[11], il suffirait de confier le RER à une entreprise dédiée, compétente[12].

Mais pour ce faire, il y a lieu de répondre préalablement à une question préjudicielle, qui reste en suspens : définir les responsabilités.  En effet, à l’heure actuelle, personne – ni l’Etat ni aucune des trois régions – n’exerce cette compétence, pour des raisons propres à la politique belge.  Ce problème a été timidement évoqué dans le cadre de la réforme de l’Etat en cours, mais il doit encore être réglé.

À l’instar de ce qui existe dans la plupart des grandes agglomérations à l’étranger, qui souvent ont un RER, Il faut une Autorité responsable du transport à l’échelle du bassin de vie et d’emploi bruxellois, c’est-à-dire de la zone RER.

Pour ce il faut faire abstraction de tabous politiques.  Pour décrisper les esprits, on notera que ces deux conditions – entreprise dédiée chapeautée par une autorité responsable – ne sont  nullement synonymes de privatisation, parce que l’entreprise peut parfaitement être publique[13], , pas plus que d’un abandon de la notion de service public, bien au contraire parce que le rôle même de l’Autorité serait de le définir, ce qui n’existe pas à l’heure actuelle pour le RER.

Il faut aussi assurer le financement de l’exploitation, qui n’en sera que plus rentable si le RER remplit sa double mission de transport urbain et suburbain.

Alors qu’il est possible sans investissements importants et sans délais de mettre en œuvre un RER, ce n’est possible qu’au prix des décisions politiques qui s’imposent.  Le parti qui aborderait les questions qui conditionnent la naissance d’un RER à Bruxelles se mettraient une plume au chapeau, politiquement rentable, parce que répondant à de fortes attentes des citoyens.

 


[1] La ponctualité actuelle  montre donc avant tout la diminution de compétence de l’exploitant ferroviaire

[2] Ce qui au demeurant réduirait le besoin de capacité du métro, utilisé par de nombreux navetteurs largués gare centrale qui prennent le métro vers la rue de la loi ; un autre « problème » majeur des transports en commun bruxellois serait donc éliminé

[3] Le matériel prévu par la sncb est inadéquat

[4] L’exemple le plus frappant est Erasme, qui réduirait de (2 fois par jour) une demi-heure (!) le trajet des nombreux navetteurs de Flandre qui se rendent dans le zoning d’emploi attenant, mais de nombreux autres cas se présentent également

[5] qui devrait, lui aussi, répondre de manière performante aux besoins, à l’image de la Cityvision

[6] Pour autant qu’ils soient réellement desservis : cfr exigence de fréquence

[7] Quelques goulets doivent être résolus et peuvent l’être à peu de frais  Parmi eux

  • le raccordement  L161 – JNM pertuis est (voies 5/6),
  • les relations Schaerbeek – Laeken du quadrilatère, zone ferroviaire traitable sans casse urbanistique
  • le pont sur le canal, déjà prévu pour quatre voies

[8] voire plus où c’est possible et pertinent

[9] cfr supra

[10] Que n’utilise t-on pas le terme RER lorsqu’on parle des travaux à Boitsfort ou à Uccle !

[11] Ce qui, au vu de l’expérience, se montre particulièrement difficile : cfr l’absence de progrès depuis 2003

[12] Et aussi d’exercer un réel contrôle public sur l’attribution des sillons pour les différents trains

[13] comme la stib, la VVM ou les SRWT/TECs

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