À quand une fiscalité sur les carburants équitable et efficace ?

 

Le principe de l’utilisateur – payeur est un principe admis en économie.

Le principe du pollueur – payeur est un principe de mieux en mieux admis, parce qu’il est indispensable à la sauvegarde de notre planète.

L’utilisation d’énergie fossile, extraite du sol, met à mal l’intégrité de la planète, et constitue une entorse à sa « durabilité ».  Le prix de revient purement économique de son extraction ne tient pas compte de ce souci ; il faut donc le corriger par le biais de la fiscalité.

La combustion de carburants fossiles émet des substances polluantes et engendrant un effet de serre.  Il faut tenir compte des dommages générés par le biais de la fiscalité.

 

La Commission européenne a fait une proposition visant à calibrer la fiscalité sur les carburants sur leur contenu énergétique.  Un tel choix est éminemment logique, fondé et cohérent avec la préoccupation de responsabiliser les acteurs et par là de limiter les atteintes à la pérennité de la terre.

Le Parlement européen a rejeté cette proposition.  Cette décision est très dommageable à nous tous.

Il n’est pas question de mettre en cause les principes démocratiques qui régissent le fonctionnement de nos institutions.  Il est cependant légitime de critiquer les décisions, au nom de l’intérêt général (l’avenir de la planète, c’est aussi celui de l’humanité).

Il est aussi important d’essayer de les comprendre, dans l’espoir de revirements salutaires.  La question est « pourquoi les députés ont-il voté en majorité contre, sachant qu’en leur âme et conscience, une large majorité partage les objectifs de développement durable ? ».

Les déclarations qu’ils ont faites pour se justifier – à vrai dire assez faibles – donnent un éclairage.  Le contexte historique aussi.

 

Parce que le contenu énergétique du diesel est supérieur à celui de l’essence, de même que ses émissions de CO2, la proposition de la Commission a pour effet d’augmenter la fiscalité sur le diesel dans les pays où elle est actuellement moins élevée.  C’est le cas de la Belgique (ce qui en l’occurrence fausse les conditions de concurrence sur le marché de l’Union).

La raison de cette situation est historique : à une époque (lointaine) le diesel était le carburant des camions, participant à l’économie, tandis que l’essence était un produit réputé « de luxe » pour les automobilistes.  Quelques voitures roulaient alors au mazout, de facto quasi exclusivement des taxis ; ces véhicules se caractérisaient par de piètres performances et des émissions polluantes non négligeables ; elles n’étaient pas considérées comme d’assez haut standing pour la grande majorité des automobilistes.  Mais cette situation fiscale avantageuse, qui n’a plus aucun fondement économique ou social, a pourtant perduré dans certains pays ; ceci a incité les constructeurs automobiles à développer des voitures diesel performantes et sexy, qui ont progressivement conquis une part de marché très importante : en Belgique plus des trois quarts par exemple.  Dans ce contexte, il est évidemment populaire de défendre la sous-fiscalisation, même s’il faut pour cela faire l’impasse sur des idéaux de développement durable (que – il faut bien le dire – pas mal de responsables politiques considèrent comme un hochet à ajouter à leur catalogue en période de croissance, et qui peut aller se rhabiller lorsque l’économie ou l’emploi éternuent).

Mais l’enjeu n’en reste pas moins là : le trafic n’a pas cessé d’augmenter, et, nonobstant les progrès techniques substantiels en matière de rendement des moteurs, et l’argument volontiers avancé que le rendement du moteur diesel est supérieur à celui de son confrère à essence, la réalité est là : la consommation de carburant dans les transports routiers n’a pas cessé d’augmenter, dans des proportions importantes, et avec elle les émissions de gaz à effet de serre ; ceci alors que tous les autres secteurs grands consommateurs d’énergie sont stables.  Le prix du carburant, restés modeste nonobstant les soubresauts du brut, est un important facteur d’explication ; le coût au niveau du budget des ménages a précisément pu être contenu grâce au shift de l’essence vers le diesel, moins taxé ; ainsi en 2010 le poste « carburant » du Belge est légèrement sous les 3 % de son budget, exactement au niveau de 1999.

Deuxième point important: le diesel pollue plus, avec un effet négatif non négligeable sur l’environnement et sur la santé (asthme), touchant spécialement des personnes fragiles ; il est un des grands responsables du fait que de nombreuses régions européennes n’arrivent pas à respecter la directive (européenne !) sur la qualité de l’air.

Accessoirement, on peut aussi noter que l’Europe produit trop d’essence pour sa propre consommation, ce qui induit un déséquilibre sur les marchés.

Si la fiscalité sur le carburant (re)trouvait une neutralité – cessant de favoriser l’un en défaveur de l’autre -, l’industrie automobile serait également incitée à réorienter ses efforts de R&D, et donc ici à reprendre l’amélioration des moteurs à essence, déjà nettement moins polluants que les diesel.

 

Une politique de fiscalité avantageuse pour le diesel, qui au demeurant ne répond à aucune considération d’intérêt général, n’est plus tenable.  Les opposants à la proposition de la Commission ont pris une grande responsabilité vis-à-vis de notre avenir.  Et leur position est d’autant plus indéfendable que la proposition prévoit une période d’adaptation qui permet l’adaptation du parc automobile à la faveur de son renouvellement naturel, sans la moindre douleur pour le portefeuille des citoyens-électeurs : en fait ceux qui ont voté contre ont mal lu le texte, ce qui en soi est une responsabilité aussi.

 

 

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